Présentation

Pour faciliter la mise en route des activités et la mémorisation des principaux savoirs enseignés, la mise en page de cette nouvelle édition de J'apprends les maths CM a été profondément renouvelée. Cependant la progression pédagogique a été conservée à l'identique. Rappelons en effet quelques choix pédagogiques qui, dès l'origine, ont été ceux de J'apprends les maths : la division en colonnes est enseignée dès le CE2 ; les élèves apprennent dès le CM1 la résolution des problèmes de proportionnalité en calculant la valeur de l'unité (stratégie qui, souvent, est improprement appelée : « règle de trois ») ; en CM2, les élèves apprennent même à «pousser une division après la virgule» (cela conforte une bonne compréhension des nombres décimaux)... Ces enseignements, en phase avec les programmes 2008, n'ont jamais cessé d'être perpétués par J'apprends les maths depuis ces 15 dernières années. Concernant la division, par exemple, nos raisons d'enseigner la technique de cette opération dès le CE2 étaient exposées dans la présentation des éditions précédentes. Elles restent tout à fait d'actualité et sont donc rappelées ci-dessous à l'identique.
Par ailleurs, certains choix pédagogiques de J'apprends les maths s'avèrent de mieux en mieux fondés par la recherche scientifique. C'est le cas notamment de la distinction de deux types de stratégies de résolution de problèmes : la « résolution par simulation de la situation » et la « résolution arithmétique ». Le dispositif des ateliers de résolution de problèmes (ARP), présent depuis l'origine dans cette collection, a largement contribué à faire comprendre cette distinction. On retrouve évidemment ces ateliers dans la nouvelle édition.

Un autre sujet de crispation est aujourd'hui l'enseignement des décimaux. La progression de J'apprends les maths concernant ces nombres est un des points forts de la collection. Les fractions y sont abordées avant les décimaux et, de plus, le sens « division » des fractions est abordé en premier (13 / 10 se lit d'abord : « 13 divisé par 10 », avant de se lire « 13 dixièmes »). Les raisons de tels choix sont exposées ci-dessous, après avoir abordé le thème de la division.



L'exemple de la division


II y a quelques années, certains pédagogues plaidaient en faveur d'un report de l'enseignement de la technique de la division au collège. Ce choix est très différent de celui de J'apprends les maths puisque nous l'avons introduit dès le CE2. En fait, de report en report, c'est cet enseignement lui-même que ces pédagogues souhaitaient abandonner. Dans un document publié par le Conseil national des programmes en août 1999, par exemple, on pouvait lire : « Apprendre à faire une division est un travail formel qui n'éclaire pas le sens de cette opération et qui, par ailleurs, prend beaucoup de temps. D'autre part, même si l'élève parvient à acquérir cette technique, celle-ci est souvent vite oubliée. » Examinons chacun de ces deux arguments, en commençant par le dernier.

L'apprentissage de la technique de la division ne laisserait-il aucune trace chez l'élève ?

Les pédagogues précédents ne tiennent pas compte du fait qu'il existe deux sortes d'oubli : l'oubli total, extrêmement rare, et l'oubli partiel. En psychologie, il est fréquent d'apprécier la qualité d'un apprentissage à la rapidité d'un réapprentissage après un oubli partiel.
Tous les enseignants ont l'expérience d'élèves qui, en début d'année scolaire, semblent» n'avoir rien appris dans la classe précédente » mais qui, rapidement, s'avèrent plus performants qu'ils ne le paraissaient initialement. Avoir oublié, ce n'est pas bien grave lorsqu'on est capable de réapprendre vite.

Concernant la division, c'est en 1re scientifique que l'élève aura l'occasion de réapprendre cette technique. En effet, pour savoir si le polynôme 3x3 + x2 - 9x + 5 est divisible par x - 1 et pour effectuer la factorisation correspondante, l'élève utilise un algorithme qui a exactement la même structure (il pose une division « en potence »)- Celui qui aura appris à faire une division à l'école l'apprendra en quelques minutes, alors que cela demandera des heures à celui qui ne l'aura pas appris. L'école élémentaire doit avoir l'ambition de donner à tous les élèves les moyens de poursuivre éventuellement des études scientifiques approfondies.

Mais, plus fondamentalement encore, l'abandon de l'enseignement de la technique de la division affecterait probablement la compréhension même de cette opération : on peut douter du fait qu'« apprendre à faire une division [...] n'éclaire pas le sens de cette opération ».
C'est ce que nous allons nous employer à montrer maintenant.

Les deux « gestes mentaux » de la division

Rappelons d'abord (pour une présentation détaillée, voir le Livre du maître) que le calcul du quotient et du reste d'une division est susceptible de solliciter deux « gestes mentaux » de base : celui de la division par partition (ou par partage) et celui de la division par quotition (ou par groupement).
Pour diviser 27 847 par 4 (division par un nombre à 1 chiffre), par exemple, les enfants peuvent penser à un scénario de partages successifs des milliers, centaines, dizaines et unités comme celui-ci :
- Partage des milliers: 27 milliers partagés en 4, cela fait 6 pour chacun et 3 milliers restent à partager.
-Partage des centaines restantes : les 3 milliers restants et les 8 centaines qu'on avait au départ font 38 centaines à partager en 4, etc.
Ce premier « geste mental » est celui qu'on utilise lorsqu'on « pose » cette division par écrit.

Présentons l'autre « geste mental de base ». Si l'on doit diviser 903 par 125, par exemple, cela n'aide guère de s'imaginer le partage de 903 objets entre 125 personnes. Il convient mieux de chercher : « Avec 903 objets, combien peut-on former de groupes de 125 ? » ou encore « En 903, combien de fois 125 ? », ce qui correspond au geste de la division par quotition (groupement). Comme 7 fois 125=875, le quotient est 7 et le reste 28.

Les exemples numériques précédents n'ont pas été choisis au hasard : lorsqu'on divise un « grand nombre » par un nombre à un chiffre (le quotient est alors un nombre à plusieurs chiffres), on a intérêt à procéder par partages successifs des milliers, centaines, etc. En revanche, lorsqu'on divise un nombre a par un autre b alors que le quotient n'a qu'un seul chiffre, on a intérêt à se demander : « En a combien de fois b ? ».


L'apprentissage de la technique et la conceptualisation de la division

Avoir compris ou avoir conceptualisé la division euclidienne, c'est avoir construit la conviction de l'équivalence des deux gestes mentaux précédents : deux nombres a et b étant donnés, il est équivalent de chercher « En a combien de fois b ? » ou de chercher la valeur d'une part lorsqu'on partage a en b parts égales.

Or, dans le cas général de la division par un nombre à plusieurs chiffres, celui du calcul de 87 647 divisé par 12 par ex., la technique de la division nécessite de mettre en œuvre de manière coordonnée les deux gestes mentaux. Pour calculer cette division, en effet, on est amené à partager successivement les 87 milliers en 12, puis les centaines restantes en 12, etc. La structure générale de la technique est donc du côté d'un partage successif des milliers, centaines, etc., ce qui sollicite le geste mental de la partition. Mais chaque quotient partiel, lui, est obtenu en se demandant : « En 87 combien de fois 12 ? », etc., sollicitant alors le geste mental de la quotition.

Pour effectuer une division par un nombre à 2 chiffres dans le cas général où le quotient a lui-même plus de 2 chiffres, il faut donc mettre en œuvre de manière coordonnée les deux « gestes mentaux » dont l'équivalence fonde cette opération arithmétique. La véritable difficulté n'est donc pas dans l'enseignement de cette technique en elle-même mais dans celui de l'équivalence entre la quotition et la partition. Ainsi, contrairement à ce qu'on pourrait penser, le fait qu'un élève soit capable de calculer une division par un nombre à deux chiffres peut être considéré comme un indice d'une bonne compréhension du sens de cette opération. De manière plus générale, le développement des compétences en calcul, loin d'être un obstacle à la conceptualisation arithmétique, favorise au contraire cette conceptualisation. Bien entendu, de ce point de vue, toutes les progressions ne se valent pas et celles qui font apparaître les signes arithmétiques comme symboles d'équivalences entre procédures ou entre « gestes mentaux » semblent bien préférables.