« Processus d'inhibition »

« Je ne crois pas qu'il y ait eu à Singapour une profonde réflexion sur le fonctionnement cérébral de l'apprentissage, mais leur approche est pragmatique. Notre cerveau produit un traitement quantitatif ainsi que qualitatif des objets : il les analyse dans le temps et l'espace, estime leur mesure, puis s'intéresse simultanément à leur couleur, à leur forme et à leur fonction. La méthode de Singapour a intégré tout cela : elle focalise les élèves sur des objets, puis les met dans des situations de dénombrement. Dans notre laboratoire, nous avons découvert le système cérébral lié à ce processus, et cela pourrait nous permettre d'aller plus loin encore que la méthode de Singapour. Confronté à une situation de calcul, le cerveau utilise d'abord l'heuristique, c'est-à-dire une forme d'estimation de grandeur par intuition, puis dans un second temps le comptage, un algorithme exact qui lui demande plus de temps.
Le cœur de l'apprentissage des mathématiques réside dans ce que j'appelle le processus d'inhibition, où l'enfant apprend à bloquer son heuristique pour activer ses algorithmes. La méthode de Singapour permet, par une forme de musculation cérébrale, de renforcer le processus inhibitoire, qui permet de passer à l'abstraction tout en bloquant l'heuristique. Ce processus identifié dans le cerveau devrait désormais inspirer une méthode qui ne s'appliquerait pas qu'aux mathématiques.

Olivier Houdé
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Professeur de psychologie du développement à l'université Sorbonne Paris-V, directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDE) du CNRS.